Marie-Ange MANIER et Thérèse LEBLOIS sont directrices adjointes de l’institut de recherche FEMTO-ST, un des plus grands laboratoires publics français en sciences de l’ingénieur. Mais elles sont aussi des anciennes élèves de SUPMICROTECH ! Elles nous ont partagé leurs parcours lors d’un entretien croisé, évoquant leurs études dans notre école et les responsabilités qu’elles occupent aujourd’hui. Leur trajectoire a été façonnée par les opportunités et la structuration du monde académique et de la recherche régionale, mais toujours guidée par une constante volonté de transmettre, d'innover et de poursuivre leurs recherches.
Thérèse LEBLOIS et Marie-Ange MANIER, à l'occasion des 20 ans de FEMTO-ST (le 26 juin 2024)
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Marie-Ange MANIER :
Je suis professeur des universités à l'Université Technologique de Belfort-Montbéliard (UTBM) depuis trois ans mais je suis à Belfort depuis 1994, après avoir obtenu mon doctorat au Laboratoire d’Automatique de Besançon (LAB). J'ai commencé ma carrière en tant que maître de conférences à l'École Nationale d'Ingénieurs de Belfort (ENIBe), qui est devenue UTBM par fusion avec l’IPSé (Institut Polytechnique de Sévenans). Actuellement, je suis directrice adjointe de FEMTO-ST depuis janvier 2024.
Thérèse LEBLOIS :
Je suis professeur des universités à l'université de Franche-Comté (uFC) à Besançon depuis 2007. J'ai rejoint Besançon en 1983 pour mes études à l'ENSMM, puis j'ai ensuite réalisé un doctorat au Laboratoire de Chronométrie, Électronique et Piézoélectricité (LCEP). Actuellement, je suis directrice adjointe de l'Institut FEMTO-ST aux côtés de Marie-Ange et chargée de mission pour la science ouverte et l'intégrité scientifique à l’uFC.
Thérèse, pouvez-vous expliquer en quoi consiste votre rôle de chargée de mission pour la science ouverte et l'intégrité scientifique ?
Thérèse LEBLOIS :
Mon rôle consiste à promouvoir la science ouverte, c'est-à-dire rendre accessibles autant que possible les publications, les codes sources et les données issues de la recherche académique ou financée par l'État. Elle s’appuie sur l’opportunité que représente la mutation numérique. Elle consiste d’abord à rendre accessibles à toutes et tous les résultats de la recherche, en levant les barrières techniques ou financières qui entravent l’accès aux publications scientifiques. Une science ouverte et transparente contribue également à accroître la crédibilité de la recherche dans la société ce qui est particulièrement important. C’est un mouvement à l’échelle internationale.
En ce qui concerne l'intégrité scientifique, il s'agit de respecter des principes tels que la reconnaissance des travaux ou résultats de chacun, le respect des règles sur les auteurs de publications, la non-falsification des données de la recherche. La science ouverte est un levier de l’intégrité scientifique. L’intégrité scientifique est indispensable pour maintenir la confiance de la société envers la recherche scientifique.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique et professionnel ainsi que de ce qui a guidé vos choix ?
Marie-Ange MANIER :
J'ai fait mes études secondaires à Toulon avant de poursuivre en classe préparatoire. Après avoir intégré l'ENSMM, j'ai choisi de me spécialiser en automatique. J'ai ensuite réalisé un doctorat au Laboratoire d’Automatique de Besançon. Mon attrait pour l'enseignement et la recherche a naturellement guidé mes choix de carrière.
J'ai contribué à la création de formations spécialisées en logistique, et j’ai notamment assuré la responsabilité de la filière Logistique et Organisation Industrielle pendant 8 ans pour des élèves ingénieurs de l’UTBM, ainsi que d’un parcours en transport et mobilité urbaine d’un master en Génie Industriel.
Côté recherche, mes travaux se concentraient initialement sur l'ordonnancement d'ateliers (comment planifier la production sur un ensemble de ressources), un domaine de la logistique industrielle. Par la suite, je me suis intéressée à d’autres problèmes d’optimisation dans des domaines d'application telles que la logistique urbaine et la mobilité, la logistique portuaire ou encore la chaîne logistique globale dans un contexte durable.
Aujourd’hui, j’effectue mes recherches au sein du département DISC (Département Informatique des Systèmes Complexes) de FEMTO-ST.
Thérèse LEBLOIS :
Originaire de Lyon, j'ai effectué toutes mes études jusqu'à la classe prépa dans cette ville. En 1983, j'ai intégré l'ENSMM, où j'ai choisi l'option mécanique. Dans le cadre de l’école, j’avais effectué un projet en laboratoire et des stages en entreprise. Le projet en laboratoire m’a davantage intéressée que la partie industrielle et l’enseignement m’attirait depuis le plus jeune âge. Je suis donc partie en thèse au LCEP (Laboratoire de Chronométrie, Électronique et Piézoélectricité). Celle-ci portait sur les procédés de microfabrication et la conception de résonateurs à ondes de volume à partir du matériau quartz ou d’autres matériaux piézoélectriques synthétiques. En 1989, j'ai obtenu un poste de maître de conférences à l'université de Franche-Comté.
Mes responsabilités académiques se sont diversifiées au fil des années, incluant la responsabilité de plusieurs filières (licence science pour l’ingénieur et cursus master en ingénierie) et de l'école doctorale SPIM (sciences pour l’ingénieur et microtechniques).
Ma recherche s'est orientée vers les microcapteurs piézoélectriques et leurs applications dans le domaine de la santé et de l’agroalimentaire. Je fais maintenant partie du département MN2S (Micro Nano Sciences et Systèmes) de FEMTO-ST.
Vous êtes toutes les deux des femmes, est-ce que ça a été un sujet dans votre parcours académique et professionnel ?
Marie-Ange MANIER :
Nous étions seulement 10% de femmes à l'ENSMM, mais je n'ai jamais ressenti de discrimination explicite. Cependant, aujourd’hui les statistiques montrent que peu de femmes accèdent aux postes de professeurs des universités, ce qui suggère des obstacles subtils. Même si je ne l'ai pas ressenti personnellement, il est possible que des biais inconscients existent.
Thérèse LEBLOIS :
Comme Marie-Ange, je n'ai pas ressenti de discrimination explicite, mais il est indéniable que les femmes sont moins représentées aux niveaux les plus élevés.
Aujourd'hui, quel est votre rôle ? Pouvez-vous expliquer les rôles des conseils d'unité (Marie-Ange MANIER) et conseil scientifique (Thérèse LEBLOIS), et comment travaillez-vous ensemble ?
Marie-Ange MANIER :
En tant que directrices adjointes, nous travaillons ensemble mais avons des missions complémentaires.
Je suis en charge de la politique d'amélioration continue du laboratoire, en lien avec le conseil d'unité de FEMTO-ST. Ce conseil est essentiel pour structurer le laboratoire et nous avons récemment renouvelé ses membres. Nous avons différents groupes de travail, notamment sur la communication, l'attractivité, le développement durable, et des sujets liés au personnel comme la carrière et l'égalité, la diversité, la qualité de vie et les conditions au travail. Mon rôle est de coordonner ces travaux, d'animer les séances du conseil et de faciliter la mise en œuvre des actions proposées.
Thérèse LEBLOIS :
De mon côté, j'anime le conseil scientifique. Nous organisons des événements comme le séminaire annuel de Femto-ST, où nous décidons des thématiques et des intervenants. Nous développons des axes fédérateurs dans l’institut comme « la technologie pour la transition écologique », « la technologie pour la santé » avec l’aide de collègues que nous missionnons. Ceux-ci collectent des éléments d’information dans différents départements de l’institut et effectuent ensuite de l’animation scientifique autour de ces axes. L'objectif est de renforcer notre visibilité nationale et internationale sur ces sujets sociétaux pour mieux répondre aux appels à projets recherche. Nous participons également aux réunions hebdomadaires du comité de direction avec les directeurs des sept départements, pour faire le point sur les actualités et les plans d'action.
En parallèle de vos nouvelles fonctions, vous continuez à enseigner et à mener vos recherches ?
Marie-Ange MANIER :
Oui, nous enseignons toujours et poursuivons nos recherches, y compris à l'international. Par exemple, j'ai enseigné en Chine à l’UTSEUS (Université de Technologie Sino-Européenne de l'Université de Shanghai) et je donne des cours à l’Université de Lomé au Togo dans le cadre d’un master international en Informatique. La diversité de nos tâches, que ce soit l'enseignement, la recherche ou les missions administratives, rend notre travail passionnant et évite toute monotonie.
Thérèse LEBLOIS :
Absolument, l'enseignement et la recherche restent au cœur de notre travail. La diversité des activités et la possibilité de travailler sur des projets et avec des acteurs variés (collaborateurs académiques ou industriels, nationaux ou internationaux, doctorants, stagiaires…) participent à rendre notre métier si intéressant. Nous avons la chance de pouvoir évoluer avec nos étudiants et nos sujets de recherche, ce qui nous permet de toujours découvrir de nouvelles choses.
Justement, qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ?
Marie-Ange MANIER :
Ce que j'aime le plus dans mon travail, c'est précisément cette diversité. Chaque jour apporte son lot de nouveaux défis. Par exemple, s’il y a des périodes où l'enseignement me passionne moins, c'est compensé par d'autres aspects de mon travail qui m'intéressent davantage à ce moment-là.
Ce n'est pas un travail monolithique ; nous avons de nombreuses activités différentes. Chaque année, les étudiants changent, apportant de nouvelles perspectives et dynamisent notre enseignement. La recherche évolue également, avec de nouveaux sujets et doctorants, souvent de cultures différentes. Cette richesse culturelle est très stimulante. Nous découvrons constamment de nouvelles choses, et il n'y a jamais assez de temps pour tout explorer.
Et plus nous progressons dans notre carrière, plus cette diversité augmente. Avec l'expérience et les compétences acquises, nous sommes sollicitées pour des tâches encore plus variées. Cela rend notre travail plus enrichissant, bien qu'il y ait aussi le revers de la médaille, à savoir la surcharge de travail.
Parfois, l'administratif peut être pesant, mais l'équilibre entre les différentes activités permet de maintenir l'intérêt et la motivation.
Thérèse LEBLOIS :
Effectivement, au début de ma carrière, je me réjouissais des périodes de moindre charge d'enseignement pour me consacrer à la recherche. Aujourd'hui, même ces périodes sont remplies par le suivi de doctorants, la gestion ou le dépôt de projets, des tâches collectives à l’échelle de FEMTO-ST et quelques tâches administratives ce qui montre à quel point notre travail s'est complexifié. Malgré tout, cette diversité de tâches et de responsabilités est ce qui rend notre métier si intéressant. L'enseignement et la recherche s'enrichissent mutuellement.
Pour finir, quel message aimeriez-vous adresser aux élèves actuellement à l'école ?
Marie-Ange MANIER :
Ne vous limitez pas. Les seules limites sont celles que vous vous fixez. Il y a une multitude d'opportunités, que ce soit dans la recherche ou l'industrie, en France comme à l'international.
Thérèse LEBLOIS :
Oui ! Les sciences et techniques pour l’ingénieur évoluent très rapidement, ouvrant de nombreuses perspectives intéressantes.
N'hésitez pas à vous projeter vers la recherche. Beaucoup d'élèves pensent que c'est trop compliqué ou pas assez valorisé, mais une thèse peut offrir des opportunités enrichissantes. C’est l’occasion de se former sur des techniques très pointues. En France, le doctorat est parfois perçu comme réservé à des parcours professionnels académiques, mais il ouvre aussi des portes dans l'industrie : les compétences acquises durant une thèse sont très valorisées et peuvent conduire à des postes plus intéressants. A l’international, le doctorat est très apprécié et offre l’opportunité de postes à fortes responsabilités.