Rafael TELOLI

intelligence artificielle et mécanique

Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Rafael TELOLI, enseignant-chercheur à SUPMICROTECH et FEMTO-ST, afin de mieux comprendre son parcours, ses recherches et sa vision de l’avenir de l'intelligence artificielle appliquée à la mécanique.


Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre arrivée en France ?


J’ai commencé mes études par un cursus de génie mécanique au Brésil en 2012. Au cours de ma deuxième année, j’ai découvert la recherche à travers un programme d’initiation scientifique. Cela m’a immédiatement passionné, notamment grâce aux échanges avec d’autres chercheurs et à la possibilité de participer à des conférences.
Après avoir terminé ma licence, j’ai directement poursuivi en doctorat sans passer par un master, ce qui est assez rare. J’ai effectué une partie de ma thèse en France en 2019-2020, avant de retourner au Brésil pour la soutenir en 2021. Par la suite, une opportunité de post-doctorat m'a permis de revenir en France, puis d’intégrer SUPMICROTECH en tant que maître de conférences en 2022.

 

 

 

Qu'est-ce qui vous a attiré dans la recherche ?

 

Au-delà de la simple curiosité intellectuelle, la recherche a été pour moi une véritable transformation de vie. Étant le premier de ma famille à poursuivre des études universitaires, l'enseignement et la recherche ont changé ma perception de mon avenir.


J'aime comparer notre métier à celui d'un artiste : nous avons la liberté de choisir nos sujets, d’explorer de nouvelles idées, et de contribuer à des avancées concrètes. En tant qu'ingénieur mécanicien, j’apprécie particulièrement la capacité à travailler sur des problématiques appliquées à l’industrie.

 

Vous travaillez aujourd'hui sur l'intelligence artificielle appliquée à la mécanique. Comment définissez-vous ce domaine ?


L’intelligence artificielle est un ensemble d'outils mathématiques permettant de modéliser et de prédire des comportements à partir de données. Cela va de la simple régression à des modèles neuronaux plus complexes. Par exemple, on peut analyser le niveau de vibration d’un système mécanique afin de détecter d’éventuels dommages.


Aujourd’hui, avec l’augmentation du nombre de capteurs dans l’industrie et la recherche, nous faisons face à un déluge de données. Ces capteurs génèrent des volumes d’informations gigantesques qui doivent être exploités efficacement. Cependant, une grande quantité de données ne signifie pas nécessairement une donnée de qualité.  L’IA permet d’extraire des tendances, de réduire le bruit des données et d’optimiser les modèles prédictifs. L’un des enjeux majeurs est la gestion et le traitement intelligent de ces flux de données. Nous devons développer des modèles capables de filtrer les informations essentielles et de proposer des analyses fiables en temps réel.


Cependant, ces méthodes, souvent appelées "boîtes noires", présentent des limites car on ne sait pas toujours expliquer leurs résultats. C’est pourquoi nous travaillons aujourd'hui à introduire des principes physiques dans les modèles d'intelligence artificielle pour améliorer leur interprétabilité et leur fiabilité.


Quels sont les défis liés à l’exploitation des données et à l’intelligence artificielle ?


Un des grands défis est la consommation énergétique associée à l'entraînement des modèles. Nous devons trouver des méthodes plus efficaces pour optimiser les calculs tout en minimisant leur impact écologique. Par ailleurs, la qualité des données joue un rôle essentiel : un modèle entraîné sur des données pertinentes et bien sélectionnées nécessite moins de ressources et produit des résultats plus fiables.  Mais quelles sont les caractéristiques essentielles à extraire des données ? Quelle quantité de données est réellement nécessaire ? Comment distinguer l’information utile du bruit ? Pouvons-nous réduire la complexité des modèles sans compromettre leur performance ? Ces questions sont au cœur des recherches actuelles et ouvrent de nouvelles perspectives pour des approches plus intelligentes et durables. Il s'agit d'une problématique de plus en plus abordée dans les thèses et projets de recherche actuels.


Vous enseignez également. Quelle place prend l'enseignement dans votre activité ?


L'enseignement occupe une part importante de mon emploi du temps, et je l’apprécie beaucoup. Je donne principalement des cours en première année sur la mécanique des milieux continus, la théorie des poutres et la dynamique des mécanismes. C'est une belle opportunité de revenir aux fondamentaux et de partager avec les étudiants. Parfois, leurs idées et leur regard neuf sur certains problèmes nous apportent de nouvelles perspectives.
J’enseigne également en deuxième année aux étudiants de l’ITII (apprentis), notamment sur la théorie des poutres. Travailler avec eux est particulièrement intéressant, car parfois ils ont une approche très concrète des sujets abordés. Leur expérience en entreprise enrichit les échanges et pousse à établir des liens forts entre théorie et pratique. Même si ce n'est pas toujours facile, c'est un excellent exercice pédagogique.



Justement, quels sont vos projets et perspectives pour l'avenir ?


Nous allons continuer à travailler sur l’intégration de l’IA dans les modèles mécaniques, en cherchant à améliorer la compréhension et l’interprétation des données. La recherche s’oriente également vers des approches plus responsables en termes d’impact environnemental et de consommation énergétique.
En parallèle, je continuerai à m’impliquer dans l’enseignement pour aider les nouvelles générations d’ingénieurs à intégrer ces enjeux dans leur formation et leur avenir professionnel.


Merci à Rafael pour cet échange !